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Robin Red Games, des jeux en braille !

logoCe matin est arrivé au courrier une enveloppe contenant 4 jeux de cartes en provenance de l’éditeur corrézien Robin Red Games. En mettant la main dans l’enveloppe et sans regarder de quoi il s’agissait j’ai tout de suite compris en sentant à la surface de chacune des boites des inscriptions en braille…

ICONE VOYANTICONE NON VOYANT

A paris, il y a des digicodes à affichage digital dont les touches sont transcrites en braille. Ceux qui y voient bien et ceux qui n’y voient pas du tout peuvent entrer… Mais ceux qui n’y voient pas bien restent à la porte ! C’est malheureusement la même chose pour ces jeux qui ne sont pas adaptés aux malvoyants de part leurs graphismes fins et colorés, en revanche, voyants et non-voyants pourront jouer ensemble sans soucis puisque toutes les cartes sont transcrites en braille ! C’est bien le seul reproche que je puisse faire et j’ai plutôt envie de féliciter et d’encourager cet éditeur !

En effet Robin Red Games n’est pas un éditeur qui fait du jeu spécialisé pour les handicapés visuels. Non, Pascal Boucher son créateur et illustrateur est un éditeur qui fait du jeu pour tous et a visiblement le soucis de l’accessibilité de ses jeux pour les non-voyants puisque des versions brailles sont disponibles en plus des versions standard. Les 4 jeux reçus sont “mon premier jeu de cartes”, “le misti’zzle des fables de La Fontaine”, “le 7 familles Noël” et “Aristo’zzle, jeu des 7 familles”. Des jeux simples et accessibles aux plus jeunes donc…

jeux en braille

A l’heure où l’on essaye de favoriser le Made in France pour relancer la croissance, il est à noter que Robin Red Games gère toute la production de ses jeux en local, qu’il s’agisse de la création, la fabrication ou de la phase de tests par les familles de la région !

Avec ces jeux, pas besoin de vous embêter à embosser les cartes sur vos tablettes et Perkins, Robin Red l’a fait pour vous et de fort belle manière puisqu’il ne s’agit pas de poinçonnage mais de pose de points en résine, une méthode que je connaissais puisque je l’avais fait pratiquer par la société Tom’s 3D sur la pochette d’un de mes albums (car je suis chanteur). Il est également à noter que les règles des jeux sont disponibles en mp3 sur le site de l’éditeur ce qui prouve son implication jusqu’au bout pour l’accessibilité des jeux de société. Bravo !

Découvrez les jeux sur le site http://www.robinredgames.com/

Le jeu de rôles, c’est accessible !

JDR HobbitTout le monde s’est un jour rêvé chevalier, princesse, Jedi, Hobbit, Mage ou Elfe… De nombreux jeux vidéo proposent de belles aventures ludiques dans ces univers peuplés arbres enchantés,  de dragons à deux têtes et autres Trolls des forêts. Mais ces jeux, les malvoyants et les aveugles n’y ont malheureusement pas accès. Pour sympathiser avec un nain des montagnes ou déterrer un trésor les yeux fermés, l’alternative s’appelle le jeu de rôles (JDR). Plus qu’une alternative, le jeu de rôle est une branche du jeu de société qui compte de nombreux adeptes qui se retrouvent autour d’une table le temps d’une soirée armés d’un dé, d’une feuille et d’un crayon.

Les jeux de rôles suivent des scénarios commercialisés ou écrits par des amateurs dans lesquels chaque participant incarne un personnage qui va évoluer tout au long de l’histoire. Il va devoir gérer ses ponts de vie, son argent, ses capacités… “Le Jeu de Rôles reposant surtout sur l’imagination et de la communication, les adaptations pour les joueurs non-voyants sont en fait assez simples.” affirme Nicolas Joly, président de l’AJAJDR (Auxerre) qui accueille depuis plusieurs années des enfants malvoyants et aveugles pour leur faire partager sa passion pour les jeux de rôles.

[youtube width=”504″ height=”378″]https://www.youtube.com/watch?v=D6I79SgJ8w8[/youtube]

[youtube width=”504″ height=”378″]https://www.youtube.com/watch?v=Gb43fjwztfQ[/youtube]

Plus d’infos sur : http://ajajdr.over-blog.com/

Jouer avec le Cubarithme Braille

Cubarithme
Photo : http://www.enfant-aveugle.com/

Le Cubarithme est une tablette à calculer inventé par deux professeurs de mathématiques mais dont l’idée d’origine revient à un accordeur de pianos.

Cette tablette utilisée à l’école par les enfants aveugles peut recevoir deux sortes de cubes dont les faces sont en relief :

Des cubes arithmétiques permettent d’écrire des chiffres en Braille et par exemple de poser des opérations, et des cubes algébriques, composés de trois carrés mobiles en plastique sur lesquels sont représentée les 4 possibilités de positionnement des points braille (1 point à gauche, 1 point à droite, 2 points ou rien) ce qui permet de former les 63 caractères braille.

Grace à cet outil, Christine Hénault, une maman bricoleuse a eu l’idée d’adapter de nombreux jeux (Yahtzee, Bataille navale, Sudoku…) pour son fils aveugle. En 2009, elle obtient pour son travail le 3ème prix au concours des “papas bricoleurs et mamans astucieuses” (Leroy Merlin, Handicap International).

Acheter un Cubarithme : www.avh.asso.fr/magasin/produits/15000.php

Sources : http://petitmuseedubraille.free.fr et www.enfant-aveugle.com

Comment les aveugles jouent-ils aux échecs ?

Cet article de Laurent Boucher a été publié dans LA VOIX DU NORD le 29.05.2014

A l’occasion des championnats de France 2014 des malvoyants et non-voyants, le journaliste a demandé au vice-champion 2013 de nous expliquer sa façon de procéder face à son échiquier « spécial ». (Photos : Pascal Bonniere)

Olivier Deville touche les pièces pour les distinguer ; les noires sont surmontées d’un petit picot.

Olivier Deville, 50 ans, domicilié en Haute-Loire, a subi une baisse progressive de sa vue à partir de l’âge de 30 ans en raison d’une rétinite pigmentaire. Il joue depuis 1978 en compétition « valides » et depuis 2010 avec les aveugles.

Le Matériel

Chez « valides », il y a un seul échiquier. Les joueurs disposent d’une pendule décomptant le temps imparti et ils notent leurs coups sur une feuille de papier réglementaire. Chez les non-voyants, les joueurs disposent chacun d’un petit échiquier personnel. Olivier Deville décrit le sien, à peu près standard : « Les cases noires sont surélevées par rapport aux blanches. On différencie les pièces blanches et des noires par un petit picot les surmontant. On touche les pièces pour les distinguer les unes des autres. C’est très tactile. »

La réflexion

« Le joueur touche les pièces, on regarde (sic) les cases où il y a le moins d’emprise, si la diagonale est libre… C’est une habitude à prendre. Certains joueurs qui perdent la vue progressivement comme moi ont du mal. Au début, je regardais l’échiquier de près. Après, j’ai alterné : en regardant et en touchant. Depuis cette année, je joue de manière complètement tactile. Les joueurs les plus forts, même aveugles, arrivent à jouer sans les mains. Mais moi, j’ai besoin de toucher, sinon, je joue moins bien. »

 


Le déroulement de la partie
« Le joueur énonce le déplacement en nommant la pièce et la position. Par exemple : Pion, A4. Chaque joueur note les coups. Moi, je note en noir (il écrit). Certains écrivent en braille (sur un afficheur), d’autres disent les coups sur dictaphone. » Un juge-arbitre intervient en cas d’erreur ou de litige. La pendule est adaptée aux non-voyants : ils touchent les aiguilles pour mesurer le temps écoulé et celui, précieux, qu’il leur reste pour jouer. Une partie peut durer jusqu’à quatre heures. Dans le jargon échiquéen, on parle d’une partie en « deux heures KO » : si un joueur dépasse ce délai, il perd la partie. C’est la même règle que chez les « valides ». Sauf qu’une partie si longue est « plus fatigante » pour un non-voyant « car ça réclame plus de concentration », témoigne Olivier Deville.

Adrien Hervais: «Je serais meilleur en travaillant plus»

 

Adrien Hervais, champion d’échecs

Dix fois champion de France des non-voyants, le Rouennais Adrien Hervais, 32 ans, fait penser au pianiste virtuose Michel Petrucciani dans son fauteuil. « Mais ce n’est pas son handicap qui le définit », insiste son père, Alain, qui l’accompagne avec son épouse Monique sur les compétitions de « valides » ou de non-voyants. Interview de cet homme à l’intelligence au-dessus de la moyenne.

– Comment avez-vous découvert le jeu d’échecs ?
« Je joue depuis l’âge de 6 ans et demi. J’ai découvert le jeu dans un établissement pour handicapés visuels. Il y avait un club d’échecs et un élève m’a appris. Je me suis inscrit dans un club pour valides et j’y ai pris goût. »

– Vous êtes titulaire d’un DEA en droit public. Avez-vous pu trouver du travail ?
« J’ai été journaliste dans une radio rouennaise. Maintenant, je recherche un emploi dans le journalisme. Et on a un gros projet associatif autour des échecs avec l’organisation des championnats d’Europe des non-voyants en 2015 à Lyon. »

– Comment est perçu votre handicap par vos adversaires ?
« En vingt-cinq ans, une seule personne a voulu refuser de jouer contre moi, avant de finalement le faire. Sinon, les relations ont toujours été sympas. »

– Est-ce plus difficile de jouer quand on est non-voyant ?
« C’est un jeu complètement accessible. Il faut toucher les pièces ou se fier à sa mémoire. Moi, j’utilise un peu des deux techniques. J’ai la position en tête, mais mes pièces sont utiles. C’est une sécurité. On prend simplement plus de temps. Ma difficulté, c’est que je joue très lentement. J’ai toujours eu du mal avec les cadences (de jeu). »

– Seriez-vous plus performant si vous aviez la vue ?
« Peut-être… Mais je serais meilleur si je travaillais plus. Le frein, c’est pour la documentation échiquéenne. Mon père m’a lu beaucoup de livres dans le passé. Désormais, j’utilise des outils informatiques : synthèse de parole, braille. Cela me permet d’étudier des parties de grands maîtres (internationaux). »

Un éditeur Texan tourné vers l’accessibilité !

64C’est à une soirée-jeux dédiée aux tests du prototype du très amusant “Fame Us” que j’ai fait la connaissance de Christophe Hermier, son créateur, qui constatait alors les difficultés pour un malvoyant de participer à de telles soirée avec des valides. Nous avons parlé accessibilité et je l’ai senti concerné par ce problème. Il me montrait même des prototypes tournés vers l’accessibilité qu’il avait reçu lorsqu’il était éditeur de jeux. Quelques mois plus tard ce dernier m’envoie un mail en me disant “Tiens, ça devrait t’intéresser…” Et comment ! Il m’envoyait un lien vers le site de la société 64 Oz Games qui semblait avoir fait de l’accessibilité des jeux de société aux aveugles son cheval de bataille.

Richard GibbsC’est au Texas qu’est basée cette petite société d’édition créée par Richard Gibbs, un professeur de sciences pour éditer ses propres créations. Sa femme Emily Gibbs travaillant avec des enfants aveugles l’a semble-t-il sensibilisé à l’accessibilité de ses jeux au point qu’ils décident ensemble de partir sur un nouveau projet : Créer un kit d’accessibilité permettant aux aveugles de jouer à de nombreux jeux de société, y compris de gros jeux de stratégie à l’européenne dont Richard est fan.

L’idée m’a tout de suite séduit et pour cause, j’avais eu la même ! Et visiblement leur démarche est aussi celle d’Accessijeux c’est à dire au delà du Tarot, du Scrabble et du Uno, adapter des jeux qui sont des blockbusters inaccessibles afin que les meilleurs jeux puissent être joués par tous.

Face aux coûts de production d’un tel projet, différentes formules étaient à l’étude pour ce kit et devaient dépendre des fonds récoltés en crowd-funding, c’est à dire via une cagnotte participative. De mars à avril 2014, 731 donateurs ont réuni 20 318 dollars ce qui leur permet de lancer la production de leur Kit d’accessibilité qui devrait voir le jour en décembre 2014.

2a08f9fa634b7f2a24483d4c4923a5b2_largeLeur idée première est un système de pochettes transparentes sur lesquelles les informations des cartes seraient transcrites en braille ce qui permettrait aux personnes aveugles de jouer avec leurs amis valides. Les jeux premiers jeux annoncés sont Bohnanza, Munchkin, 7 Wonders, Tiny Epic Kingdoms, Guillotine, Tichu, Dominion, Lost Cities, Hanabi, For Sale, Love Letter, Genres, Coloretto, St. Petersburg, The Resistance… Très ambitieux quand on connait ces jeux  On demande à voir quand même au niveau jouabilité !

Comme beaucoup de jeux possèdent désormais des extensions une fois leur succès commercial confirmé, ce kit se veut comme une “extension accessibilité”, pas bête quand on sait le marché que représentent les déficients visuels à travers le monde…

Dans de nombreux jeux, le texte sur les cartes est trop imposant pour que la transcription braille puisse tenir sur une simple pochette plastique. Le braille serait alors remplacé par un QR Code (code barre) et les informations de la cartes seront disponibles une fois ce code scanné par un smarphone.

Les objectifs de la campagne de crowd-funding ayant été atteints, l’équipe de 64 Oz Games réfléchit à de nouvelles méthodes pour adapter des jeux autres que les jeux de cartes, notamment les jeux de dés (l’excellent King Of Tokyo par exemple).

Bref, cette initiative est très séduisante et même si, of course, tout cela sera transcrit en anglais, il faut suivre tout cela de près cet hiver car ça va dans le bon sens et le fait même d’en parler pourrait peut être inciter nos amis éditeurs de jeux français à en faire de même… Non ?

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